Monsieur le Ministre,
Je me permets de répondre à vos récentes déclarations assimilant le RSA à de l'assistanat et ce dernier à un "cancer", ce qui laisserait entendre que les bénéficiaires du RSA seraient des assistés et des propagateurs de maladie mortelle dans la société.
D'autres ayant déjà très bien analysé les raisons politiques de vos déclarations (cf : Alex Lemarié et Bruno Roger-Petit), je me contenterais, pour ma part de revenir aux fondamentaux et aux principes.
Tout d'abord, Monsieur le Ministre, le RSA tout comme le RMI, mais aussi les allocations chômages, sont accordés non pas au titre d'une "assistance", mais d'un droit fondamental : le droit au travail.
Autrement dit, quand le marché de l'emploi ne permet pas à chacun de trouver un emploi et d'accéder à ce droit fondamental (comme le logement), la collectivité publique lui verse "des indemnités".
L'Etat indemnise la personne privée de travail, comme on indemnise un malade. Preuve, par conséquent, que le bénéficiaire du RSA ou du Pôle Emploi n'est pas un assisté mais un accidenté du système économique au même titre qu'un accidenté de la route. Puisqu'il n'a pas choisi de ne pas travailler comme vous le laissez odieusement entendre, mais que cette impossibilité d'emploi lui est imposée.
Pour mémoire :
Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 : "Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage." (article 21).
Constitution de 1946 : "Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi", droit repris dans la Constitution de 1958 fondatrice de la Ve République.
Et c'est sur la base de ces principes et de ces droits qu'a été fondée l'ANPE par Jacques Chirac en 1967 qui couplée plus tard aux Assedics va permettre d'indemniser les salariés exclus du travail quand le chômage commence à pointer son nez au milieu des années 70.
Et comme la situation économique et le marché de l'emploi ne font qu'empirer, le gouvernement Rocard met en place en décembre 1988, le Revenu minimum d'insertion (Rmi).
Autrement dit un minimum de revenus est alors accordé à deux millions de personnes sans emplois, non pour être "assistées, mais pour qu'elles restent insérées dans la société et non rejetées dans des marges dont, la plupart du temps, on ne revient plus (et qui, vous le savez bien, sont alors un facteur de déstabilisation pour l'ensemble du corps social).
Et qu'en 2009 le Rmi se mue en RSA, peu importe : le principe demeure.
Par conséquent, Monsieur le Ministre, au nom de quoi, aujourd'hui, faudrait-il que ces "indemnisés", c'est à dire les victimes d'une situation économique dont ils ne sont en rien responsables, fassent des travaux d'intérêt général, non payés, comme vous le préconisez ?
Comme si ces indemnités étaient un "salaire" alors qu'elles sont une "compensation" à un marché de l'emploi en berne que vous n'avez pas su, plus que les autres, relever lorsque vous étiez à la tête du Ministère de l'Emploi !
Au nom de quels principes, Monsieur le Ministre, s'il vous en reste ? De quel droit fondamental ?
Quant aux "droits et aux devoirs" si souvent avancés comme un couple aussi inséparable que Dupont et Dupond, quelle idée tordue !
Il y a une Assemblée nationale qui promulgue des lois qui définissent des droits. Et où se trouverait cette Assemblée, issue de la représentation nationale, qui définirait les "devoirs" ? Nulle part, bien entendu.
La France est un Etat de droit et non de "devoirs" subjectifs, laissés à l'appréciation de chacun.
Et dans un état de droit, le citoyen n'a qu'une chose à faire : respecter la loi. Et s'il y contrevient il est puni par la Justice. Et non par un "jury des devoirs" !
La France est un état de Droit, et non de Charité.
Mes salutations, Monsieur le Ministre.
C LA ROSE c
Source:
http://www.lepost.fr/article/2011/05/09/2489890_lettre-ouverte-a-laurent-wauquiez.html
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